mercredi 14 mai 2014

Him. Gustavo Mazzatella.

La première fois que j’ai vu ce type, c’était dans ma télé. 2004 je crois, j’étais assez jeune. C’était dans l’émission de feu Laurent Ruquier (à moins qu’il ne soit pas mort ?), « on a tout essayé ». Il venait présenter un livre ou plus exactement un best of de ses livres, « morceaux choisis ». Rien que le titre vaut bien plusieurs plagiats de Yann Moix. Il n’avait pas eu le temps de parler, un clébard en colère a aboyé très fort et très faux. Un certain Gérard Miller (le père d’Aymeric Caron ?). Ce psychanalyste de pacotille a bien fait son job minable d’agent de la Gestapo, car moi qui n’avait pas lu le moindre livre de l’invité et ne l’avait pas entendu s’exprimer, j’avais la certitude qu’il n’était qu’un facho prétentieux, lâche qui plus est, puisqu’il avait quitté le plateau. Aujourd’hui, après avoir lu une dizaine de ses livres, je me suis bien rendu compte par moi-même que c’est certainement
l’écrivain vivant le plus intéressant. Quand je l’ai lu pour la première fois, ça a du me faire le même effet que lui découvrant Rigodon...

Je peux remercier Frédéric Taddéi au passage. C’est en revoyant ce bonhomme dont j’avais oublié l’existence, quatre ans plus tard sur le plateau de Ce soir (ou jamais !) que j’ai ressenti la nécessité de me procurer l’ouvrage qu’il venait présenter, « L’homme qui arrêta d’écrire ». Un livre édité par lui-même. Non pas auto-édité mais anti-édité, je vous laisse faire la différence. Presque 700 pages, en le voyant arriver dans ma boîte aux lettres, j’ai pris peur. Puis je l’ai dévoré. Il dépeint dans ce roman toute une époque, la notre, cette modernité sans âme, avec un talent rare et une justesse qui frise l’insolence. Avec sa verve posée sur papier, il sortait les bons mots de mon cerveau. Les lignes se succédaient, non pas avec une impression de déjà-vu mais rempli d’un nouveau sentiment, que je qualifierais de déjà-pensé, jamais exprimé. C’était comme si, soudainement, il me faisait comprendre ce que j’avais toujours su. Assez étrange. Sans doute une alchimie entre capricorne et scorpion. Il passe en revue les années 2000 et tous ses sordides contemporains, célèbres ou non, en prennent pour leur grade. Aucun artiste ne s’était réellement aventuré sur ce vaste chantier, il a tout balayé de nombreux coups de plume vifs et saillants. Le premier grand roman sur, entre autres, la virtualité, surprenant pour un écrivain que les pouilleux qualifient de réac’.

« On entre dans un auteur comme dans une cathédrale. »

Comme tout grand artiste, il ne fait pas de politique, mais son Art est terriblement politique. Son journal intime tout d’abord, une oeuvre absolue, excessive et éternelle, incomparable. Dedans, il y a tout. Les années 80 se résument à Nabe’s dream, Tohu-bohu, Inch’ Allah et Kamikaze. Un édifice de lettres, une basilique artistique. Il permet au lecteur de rentrer dans sa tête, dans son laboratoire intérieur, un peu comme Clouzot nous avait permis d’effleurer la créativité de Pablo dans Le mystère Picasso, c’est dire... Puis plusieurs essais, ses « coups d’épée pas tout à fait dans l’eau » sur de trop clairsemés plateaux télé, des articles parus dans divers journaux (tous disponibles gratuitement sur le site de ses lecteurs), mais également son premier et fameux livre : Au régal des vermines. Celui qui lui a valu cette mauvaise (dans tous les sens du terme) réputation : antisémite, raciste, fasciste, homophobe, sulfureux, etc, etc. Mais là encore, je me suis retrouvé dans ce livre comme si il avait été imprimé pour moi. Chacune de ses phrases tue, et pas au sens figuré : il est l’allègre assassin de six milliards d’individus. A vrai dire, il serait possible et précieux d’écrire un livre entier sur chacun de ses livres.

Une certitude : il ne m’a jamais déçu. Ni par écrit, ni « en vrai ». A Aix en Provence la première fois, son nouveau fief, où il exposait ses portraits de musiciens, écrivains, poètes... Ou encore au Petit Journal à Paris où il jazze régulièrement avec son père, le virtuose Marcel Zanini. On pourrait s’imaginer que lorsqu’on rencontre une personne dont on admire l’Art, on soit forcément déçu. Eh bien non. Je l’ai trouvé aussi drôle, aussi subtil, aussi fascinant, aussi juste, aussi vrai, aussi génial, aussi agréable, aussi chaleureux, aussi mystique que dans ses livres. Chez lui, rien n’est à jeter ! Même ce qui n’est pas bon reste prodigieux. En comparaison de lui, tout autre « artiste » ne paraît pas ringard, il l’est. Il fait partie de cette extrêmement rare espèce de créateur, qui ne s’est JAMAIS compromis. Espèce ô combien en voie de disparition, mais que personne ne protège, au contraire. Il en est même peut être le dernier représentant.

Il faudrait encore écrire des lignes et des lignes sur son indépendance unique en tant qu’artiste, sa liberté totale, sa quête suprême de la Vérité, son insoumission à qui et quoi que ce soit, son amour de l’Art, des femmes, du jazz, et tant d’autres... mais je vais le laisser faire. Son prochain livre annoncé début janvier, dont on ignore toujours la date de sortie et le titre au moment où je ponds ces mots, sera non pas un essai sur Dieudonné et Soral comme le résume ceux qui ne le liront pas, mais un obus impétueux qui va démolir le conspirationnisme ambiant et toutes les thèses complotistes qui sont le mal réel et bien incrusté de la période historique que nous vivons.

Tout ça peut paraître subjectif, et là encore, ça l’est. Mais ma subjectivité lamine toutes vos pseudo-objectivités. Sachez que ces lignes mal écrites sont le fruit parfaitement mûr de lignes bien lues. Je considère ceux qui ne sont pas sensibles à Nabe comme des handicapés physiques ! Les « nabiens » apprécieront la référence.

Gustavo Mazzatella.

2 commentaires:

  1. Pour ma part, j'ai découvert Nabe en 2014 avec son passage chez Taddéi où je l'ai trouvé grand. Tout le monde tape sur lui, antisémite d'un coté (l'ont-ils lu ?), tapin du système pour les autres (savent-ils lire ?). En sept minutes, Nabe a explosé le débat et son livre (l'image en une de son site laisse penser qu'il devrait sortir le 24 mai ; cf. date de sortie de Nabe's Dream, 24 mai 1991) sera salutaire. En attendant, je découvre Une lueur d'espoir, et bientôt Printemps de feu, Rideau et Alain Zannini (le temps me manque malheureusement).

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  2. Nabe, ou l'enflure égotique.
    http://www.lelibrepenseur.org/2014/01/12/avertissement-tremblez-mortels-devant-le-jugement-dernier-du-dieu-nabe-par-llc/

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