lundi 13 mai 2013

WE ARE ALL PROSTITUTES. LULUBRIK

Les yeux s’ouvrent violemment, le regard fixe le plafond. C’est un claquement de porte qui m’a sorti de mon sommeil. D’habitude, c’est moi qui part avant l’aube. Je suis surprise mais c’est une bonne chose, j’aime que l’on me sorte de mon quotidien.

Ma tête est brumeuse, tout comme le souvenir de ces dernières 24 heures. Cela fait quelques mois que mes pensées sont floues. Je n’arrive plus très bien à dissocier la réalité de mes rêves, ai-je vécu ou pas ce souvenir ? Est-ce un vague reste de cauchemar passé ? Difficile à savoir. Je vous parle des ces expériences sexuelles, visuelles et parfois l’ensemble des deux, mais avant tout ceci, étais-je cette fille frivole et blasée ? Qui étais-je vraiment…


J’ai rencontré…heu… Gus, on va l’appeler Gus. Je l’ai rencontré via un nouveau concept d’agence de rencontre. C’est un ami à moi qui a eu la brillante idée d’allier couple et génétique. « Chimical Love » l’a-t-il appelé. Il part du simple et évident principe que tout comme les animaux, les Hommes sont liés par une concordance génétique. Bien évidemment l’alchimie est d’abord tactile mais elle peut par la suite devenir intellectuelle. La baise sera le point décisionnaire de la continuité ou pas de la relation. Il m’avait dit « Essaye, tu vas adorer, et si tu ne trouves pas l’homme de ta vie, je te garantie de trouver l’homme de ta nuit ! »

« L’homme de ma vie ». C’est long une vie.

Un prélèvement de cheveux plus tard et quelques analyses de comparaison et il m’avait sortie une liste assez conséquente de prétendants. L’un d’entre eux sortait apparemment du lot en termes de cohésion chimique. Pas de photos ni de critères de sélection, pas de préférences, de hobbies ou autres définitions superficielles des êtres que nous sommes, faites confiance en votre ADN !

« L’amour est devenu un produit consumériste, je veux lui rendre sa nature profonde et animale. »

Pourquoi pas, je n’avais rien de particulier à faire ce soir là.

Les rencontres se faisaient dans un petit salon privé au sein même de l’agence. Si attirance il n’y avait pas, nous pouvions le signaler immédiatement et ainsi ne pas se faire facturer la recherche. La condition de l’agence étant d’ouvrir notre tolérance humaine mais surtout animale. Ressentir avant de juger, faire confiance en son instinct avant de mettre en place son facteur superficiel moderne, l’interférence relationnelle de notre siècle. Voir la marque du tissu qui recouvre notre peau avant de capter le feeling épidermique qui pourrait nous lier.

Très bien, je me connecte donc avec mon passif animalier.

Le salon est cosy, les senteurs douces, je me sens déjà à l’aise. L’homme est en retard. Je l’excuse puisque je suis moi-même en retard puis me vexe de son manque de ponctualité. Comme à mon habitude, je n’attends jamais les convives pour commander mon cocktail et m’allume une cigarette.
Un homme pénètre dans la pièce. Il semble cherche quelqu’un du regard. Ses yeux se fixent sur ma personne puis il s’approche.
Au premier abord, il correspond en tous points à l’exact opposé de mes critères de sélection habituel. Cela commence bien !

« Bonsoir, je suis Gus, vous devez surement être Lulubrik ? »

Je songe pendant une fraction de secondes à décliner une fausse identité et partir sans me retourner, mais je suis curieuse de nature.

« Oui, c’est moi-même ! »

Il se penche vers moi et m’embrasse. Le contact de la peau de ses lèvres charnues contre ma joue provoque un léger frisson qui parcoure mon corps. Peu attirant mais réaction immédiate de la chatte qui est en moi. J’ai bien failli me mettre à ronronner.
Il s’assoit et commande un verre au serveur d’un geste simple mais sûr.
J’aime assez cette confiance virile que l’homme semble ignorer.
Nous parlons. Longtemps et de choses simples. Son style, son physique, son job, rien ne m’attrait chez lui et pourtant son regard, sa voix, son touché me renvoient le contraire. La fille superficielle que je suis ne souhaite que personne nous voient ensemble mais la féline qui veut s’exprimer ne désire qu’une seule chose, son corps contre le mien. Je n’avais jamais autant désiré une personne.

Depuis cette soi-disant évolution de l’humanité, nous avons oublié de capter l’essentiel, d’écouter notre corps. L’évolution n’est qu’électronique, industrielle… mais nous. NOUS, qu’avons-nous réellement développé ? Nous ne sentons plus, nous ne nous connectons plus, toute relation ne se résume qu’à une alliance sociale, à des critères bien définis, à un statut. Blond, brun, grand, musclé, bonne situation, bien habillé, sportif, aimant les voyages…. Bla bla bla. Mais est-ce que tu jouis quand il te pénètre ? Ressens-tu la sueur froide dans ta nuque quand il te prend fermement ? Son touché provoque t-il en toi une ébullition d’émotions ?

Une nuit. Une nuit et je suis une autre. Mais demain, je redeviendrais cette fille fade. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que cette société qui m’a créée ne tolérera jamais qu’une fille comme moi se lie à un homme comme lui. Je ne supporterai pas les critiques, les regards, les jugements. Je suis consciente de ma réaction inhumaine. Inhumaine ? En êtes-vous sur ? Je dirais plutôt « typiquement humaine » car nous sommes nombreux à opter pour cette sélection peu naturelle.

Je me confesse et je me taie. Certains ne se confessent pas. Mais au fond, me suis-je vraiment livrée, ou l’ai-je simplement rêvé ?

Infidèlement,

Lulubrik.

2 commentaires: