mercredi 13 novembre 2013

Lettre ouverte aux deux sexes, n°10. Albert Fumier.

Merci à Mle A pour ses beaux draps.
Enfouis dans mon poitrail touffu, les doigts de Zoé semblent comme désarticulés. Ils dessinent, gravent, creusent… C’est souvent le même rituel inconscient quand, le matin, ses pensées flânent encore du côté de mon orgasme. Elle joue de ma dépouille à peine animée, comme si elle n’avait pas déjà mis un point d’honneur à dominer la lutte précédente, se payant même le luxe de choisir le moment du coup de grâce. Elle a encore gagné, il faut le reconnaître, mais il est des combats qu’il est si doux de perdre.

- « Albert, j’ai soif »

S’ensuit un baiser tazer à l’angle de mon menton…Tout mon corps frémissant encore, la moindre caresse me procure des frissons. Un mécanisme étrange fait qu’au fur et à mesure que mes pensées se font plume, je m’enfonce au plus profond du matelas. Je suis bien, heureux, plein de bonheur et vidé de désir.

- « Mon amour, c’était merveilleux… mais j’ai soif »

Je n’ai aucune envie de mettre fin à ce coma post éjaculatoire si enivrant mais quand la malignité féminine se met au service des glandes salivaires, l’issue est imparable : l’homme subordonne. Alors, religieusement, en avant marche vers la cuisine…


La propreté c’est du vol


Nous voilà donc devant le frigo, cher lecteur, à ressasser les kata du kama sutra, dévorés in vivo lors de cette torride matinée. Aussi, décortiquons cette bataille nuptiale pour enfin dévoiler l’élément clé, le paramètre ultime, le facteur beta de l’amour charnel : la propreté. En effet, le rapport de chaque partenaire à cette notion conditionnera tout ce que vous pourriez entreprendre. De la même façon qu’il est inutile de poêler l’andouillette avec une végétarienne, il serait inconscient d’attendre l’orgasme (réciproque) d’une sainte ni touche. Aimez ce qui colle, léchez ce qui suinte ! Conditionnez votre esprit pour interpréter la sauvageonne combattant dans la boue et mimez le chat de gouttière maniant sa langue râpeuse pour la rituelle toilette, ainsi vous ne pourrez pas dire, cher lecteur, que cette lettre ne dégouline pas de bons sentiments.

- « mais Albert, que fais tu ? J’ai soif ! »
- « Faut que j’écrive, tu sais bien, on est le douze »

Revenons à nos moutons ou plutôt dans les foins avec la bergère, il est donc prohibé d’avancer la raison d’hygiène lors qu’il s’agit d’ébats amoureux. Penser copuler en préservant de sa superbe équivaudrait à se précipiter vers une crise libidineuse ou passer innocemment à côté du nirvana. Il faut s’ouvrir, laisser les pulsions prendre le contrôle, ne serions nous pas des animaux, après tout ? Prenons ma voisine : une jeune et jolie brunette, les cheveux lisses et le sac Louboutin, s’affirmant si proche voire maternante de son berger allemand de compagnie, vous voyez le genre ? Hier matin, elle me lance lors de notre rencontre dans l’ascenseur « vous l’avez entendue ? Cette salope s’est encore envoyé en l’air », avec l’œil complice de celle qui s’autorise à prononcer une pseudo vulgarité tout en gardant l’air froid, le visage fermé. Par son dédain, elle m’affirmait en d’autres termes s’interdire quelques entreprises fougueuses une fois déshabillée, tandis que la voisine du dessus s’épanouissait sans mégarde. Je vous affranchis de ce pas, il n’y a rien à faire de ces urbaines ! Préférez leur les spirituellement campagnardes, celles qui d’antan jouaient avec les têtards dans la glaise et aujourd’hui des saillies sont fort aise. Encore une fois, je vous fourre le doigt dans l’œil, il est question d’appréhension de la salubrité, de ne pas craindre à salir ses représentations dans l’entreprise amoureuse.

Remarquez par ailleurs qu’il est de bon usage d’agiter les savons, parfums, de raser la moindre touffe ou encore de disposer les draps propres lorsque l’on se prépare à une érotique concertation. Et pourquoi donc ? Cela tancerait il notre postulat de départ ? Pas du tout, mes lapins ! Vous n’y êtes pas, il s’agit bien du contraire car si nous créons tout ce contexte lisse et stérile, c’est justement pour mieux le salir. Il n’y a qu’à traîner du côté des experts pour en avoir le cœur net, pas les Expert Miami ou les Experts Manhattan, non, il s’agirait plutôt des experts Figueras ou La Jonquière, pour ce qui nous concerne, allons traîner du côté de la prostitution organisée. Ainsi, une fois les deux verres de scotch avalés cul sec dans le bar du rez de chaussée, vous choisissez une de ces appétissantes nymphes venant vous alpaguer. A vrai dire, vous n’avez pas un choix si éclectique, de la brune, blonde, fine, pulpeuse, rosée ou bronzée, certes, mais toutes décorées et lustrées de manière à ce qu’elles vous donnent l’impression poupine des barbi de votre enfance. Passage à l’étage, parachutage en chambre… frrrraf, vous voilà le ramoneur allongé, Marie Poppins se frottant déjà à votre braguette. Vous vous apercevez que tout est fait en ce lieu pour vous laisser penser à un écrin de propreté à la candeur prégnante et vous ressentez l’envie profonde (précoce) de souiller ce tableau. Si vous êtes branché art contemporain, ça sera certainement en faisant de ce visage angélique la cible de votre asperseur de vie humaine, sinon en faisant prendre à cette automate des positions pornographiques qu’elle mimera de découvrir. Enfin voilà, encore une fois, le rapport d’hygiène est fruit de réactions en cascade qui toujours échoue les deux navires dans un bain d’écume, vous ne pouvez désormais le nier.

Chers amis, je ne m’étalerai pas plus. Il est de toute façon, et depuis longtemps, temps de vous tirer ma révérence. En effet, la quête du Graal arrivant à son terme, Albert Fumier rangera sa plume à l’issue de ce 10ème encart alors je vous en conjure, faites de ces « Lettres Ouvertes au Deux Sexes » votre livre saint pour que jamais le sénat ne nous prive de ce droit fondamental : la liberté de jouir comme bon nous semble.

- « mon chérie, encore ce blog… mais tu y racontes quoi au juste ? Y’a des gens qui vous lisent au moins ? »
- « ha ha je ne sais même pas, Zoé. Mais si quelques uns y ont perdu leur temps, je les en remercie éternellement »

Albert Fumier, pour vous servir.

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