mercredi 8 mars 2017

Des hauts et débats

Paroles, paroles, paroles...

En France, on aime beaucoup débattre. Brasser du vent, c’est notre hobbie favori ! Enfin ça, c’est la vue de l’esprit de ceux qui vivent de ces débats, en tous cas. Il y a des gens qui s’en passent très bien. Gloire à eux ! Mais ouvrez un journal, allumez la télé ou la radio, et vous ne verrez/entendrez que ça : le débat. La soi-disant confrontation... Et campagne présidentielle oblige, on va en bouffer du débat ! Double dose. On en a eu un petit aperçu avec les primaires, qui personnellement ont suffit pour provoquer l’overdose. Et surtout finir de me démontrer l’inutilité de ces discussions.

...encore des mots toujours des mots les mêmes mots...

Débattre, ça sert à quoi, finalement ? La confrontation des idées ? Encore faudrait-il qu’elles existent, ces idées, qu’elles ne soient pas semblables. Pour reprendre les mots de Pierre Carles dans notre dernier entretien, vous avez déjà entendu une personne défendant l’idée de fermer les prisons, en ayant le temps
d’argumenter, dans un débat à une heure de grande écoute ? Pourtant, des chercheurs sérieux travaillent sur cette hypothèse. Mais certaines théories n’ont pas le droit d’entrée sur les plateaux. Le mur imaginaire et rêvé de Trump existe déjà ici !... Ouvrez les yeux. De plus, qui change d’avis, lors d’un débat ? Qui écoute simplement ce que raconte l’autre ? Borné, voilà ce qui définit le mieux l’Homme moderne ! Chacun reste enfermé dans ses positions contradictoires, ses idées vagues, ses théories foireuses. Alors qu’en élargissant le spectre, il y a tellement à découvrir... Une vie n’y suffit pas ! Sur un seul sujet, même. Prendre le temps de s’intéresser et d’approfondir, ça doit être chiant. Alors débattre, pourquoi faire ? Pour donner un avis sur un sujet à des personnes qui n’y connaissent rien ? Mais s’ils veulent un avis, ils n’ont qu’à se renseigner par eux-mêmes, entre internet, les bibliothèques, il y a de quoi faire... C’est plus facile d’être d’accord avec untel, évidemment, sans de toute façon ne rien comprendre au propos in fine. Ce qui semble n’avoir aucune importance. Tous accrocs aux clashs, ok ; mais le divertissement qu’est cette campagne présidentielle, pour en revenir à elle, c’est tellement bas de gamme... Le scénario est abject, les acteurs ridicules, et les dialogues à chier !

...des mots magiques, des mots tactiques qui sonnent faux...

Un débat, ça se regarde. Tout comme nous sommes passés de personnes qui jouent au football à des personnes qui regardent d’autres personnes jouer au football, nous regardons des gens débattre à la télévision. Soit. Je crois qu’il n’y a rien à ajouter. Si ce n’est que dans le cadre du football, ou d’autres sports d’ailleurs, le niveau de ceux que l’on regarde dépasse généralement largement celui du télespectateur. On ne peut pas vraiment en dire autant des débats télévisés, radiophoniques, dans la presse ou sur internet. D’un côté : Ronaldo, Rooney, Messi et de l’autre : Onfray, Zemmour, Glucksmann ; il n’y a pas photo ! Soyons en sûr : les débats diffusés sur France 2, France 5 ou Canal + ne valent pas mieux que ceux sur Facebook ou Twitter, qui ne sont guère plus instructifs que ceux du café de La Poste de Narbonne !... En plus du niveau des débats, ce sont les thèmes récurrents et imposés qui sont épuisants et décourageants. Faites preuve d’un peu d’imagination, messieurs Ruquier, Cohen, Pujadas, Calvi, ou mesdames Salamé et Polony. Mais ça, c’est vraiment loin, très loin de vous... Vous croyez vraiment que l’on peut sérieusement avoir de l’intérêt pour des interminables et futiles discussions sur la laïcité, le temps de travail, la lutte contre le terrorisme ou le chômage ? Tout le monde s’en fout ! Enfin surtout moi peut être... Les gens ne voient pas plus loin que le bout de leur nez bouché ; ils ne voteront que pour l’imbécile qui leur dira ce qu’ils ont envie d’entendre, tout ce qui va dans leur intérêt, certainement pas par altruisme d’un monde meilleur ou je ne sais quelle connerie. Les écologistes soignent leurs consciences, pas la planète. Ou alors ils font du business. Etiquetté bio, mais du business quand même.


A 35 mètres de chez moi se trouve un panneau d’affichage libre, sur lequel il ne se passe généralement pas grand chose, si ce n’est une publicité pour un cirque l’annèe dernière. Mais depuis trois semaines, l’activité s’est décuplée : deux affiches de campagne de Philippe Poutou, « candidat ouvrier et anticapitaliste », sont venues décorer le panneau. Trois jours après, elles ont été recouvertes par trois affiches d’Emmanuel Macron ! « En marche ! » Le lendemain, c’est la tête de Marine Le Pen qui s’est incrustée, aussitôt arrachée, sans doute par un défenseur de la liberté d’expression... Vivement demain, j’espère un mélange des trombines de Mélenchon et Hamon !... Fillon pour sa part a d’autres chats à fouetter que de coller des affiches en ce moment. Toute cette activité représente l’allégorie parfaite du débat d’idées de la campagne presidentielle 2017. Toujours la même équation : des affiches avec leurs tronches, un slogan creux et fertile sur un fond bleu ou rouge... qui viennent s’entasser, se mélanger, se dissoudre... Rien de nouveau sous le soleil... Caramels, bonbons et chocolats...

De toute façon, le meilleur argument contre les débats, ce sont les débats eux-mêmes. Il suffit de voir, lire, écouter. Pour finir d’enfoncer le clou, immergeons-nous dans cet océan de lucidité : « Bien loin d’éclaircir les questions comme on le suppose d’ordinaire, la discussion, le plus souvent, ne fait guère que les déplacer, sinon les obscurcir davantage ; et le résultat le plus habituel est que chacun, en s’efforçant de convaincre son adversaire, s’attache plus que jamais à sa propre opinion et s’y enferme d’une façon encore plus exclusive qu’auparavent. En tout cela, au fond, il ne s’agit pas d’arriver à la connaissance de la vérité, mais d’avoir raison malgré tout, ou tout au moins de s’en persuader soi-même, si l’on ne peut en persuader les autres, ce qu’on regrettera d’ailleurs d’autant plus qu’il s’y mêle toujours ce besoin de « prosélytisme » qui est encore un des éléments les plus caractéristiques de l’esprit occidental. »1

...merci pas pour moi, mais tu peux bien les offrir à une autre...

Ne serait-il pas venu le temps de la sagesse et des actes ? Le temps de la volonté véritable et des preuves de celle-ci ? L’heure est à l’anéantissement des débats et à la bénédiction de la réalité ! Le concret doit soumettre l’abstrait à son destin. Abstenons-nous de débattre et vivons la réalité qui parle d’elle-même.

Gustavo Mazzatella

1. René Guenon, La crise du monde moderne

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