dimanche 13 avril 2014

Timing imparfait. Little miss madmind.

J’ai cassé ma dernière montre à l’âge de 18 ans. C’était un cadeau de ma sœur, marque Swatch, la grande classe pour les nineties.
Je crois que c’était au moins la vingt troisième qu’on m’offrait et qui subissait le même sort, chocs à outrance et voyage aquatique au fond d’un lavabo.
Le temps a toujours été pour moi un fléau : de l’entrée au primaire, au passage du bac, aux rencards amoureux, aux départs de trains, à l’embauche du taf, je n’ai jamais su être à l’heure.
Je prends le temps de vivre, sans coup d’œil sur la trotteuse. Je me suis toujours
refusé à faire souffrir à nouveau une montre inutile, qui finirait, de toute évidence, mal en ma présence.
Certains sont dyslexiques, moi j’ai une pathologie de l’horloge.
Bref, les minutes n’effleurent jamais mes neurones malgré que mon dernier décalage horaire en date ait marqué étrangement le temps, à sa façon.

Minuit dans un bar, mon écharpe est complètement imbibée de bière.
Mon pote un peu bourré vient de renverser sa deuxième bière...sur moi.
Dans ce bar où mes amis et moi nous nous sommes glissés pour écouter ce concert déjà fini, des têtes connues et inconnues se retournent pour admirer le désastre de mon nouveau parfum au houblon.
Ce mec que j’ai déjà croisé je ne sais plus où m’adresse une blague de sympathie alcoolique. Je lui réponds comme un pilier de comptoir, une tirade habituelle anti drague, lui proposant vulgairement de goûter à mon écharpe.

Vingt deux heures, quelques jours plus tard, même scène, bar de province-concert-bières.
En saluant une connaissance, c’est moi qui trempe délibérément cette même écharpe dans ma pinte devant ce même mec.
Ma maladresse légendaire me vaut une remarque de rigueur de la part de ce type au visage moins étranger, sur cette même écharpe destinée à être aussi alcoolisée que sa propriétaire.

Midi, réveil difficile, devant l’écran du mythique réseau social, où le prénom peu commun de l’inconnu-connu vient se présenter dans l’onglet du « vous connaissez peut-être ».
Curieuse, je l’invite à la conversation.

Quinze heures, nous avons rendez-vous et partons se faufiler en bavardant dans les lieux les plus sombres et improbables de la ville.
Légèreté, insouciance, regards.

Dix huit heures, on se dévoile nos intimités et casseroles les plus profondes avec une aisance rare. Ce sens du partage et de l’humour que j’apprécie tant se délecte jusqu’à tard dans la soirée.

Vingt heures, le lendemain, ma soif de découverte n’est pas étanchée, je succombe à son invitation pour savourer du houblon entre amis.
J’annule mon autre rencard et pars le rejoindre, découvrir ce personnage qui m’inspire une confiance perturbante.

Neuf heures du jour qui suit, je quitte l’appartement de ce nouvel ami moins virtuel, je viens de passer une nuit délicieuse de conversation tendre et troublante au creux de ses bras.
Séduction, confession, confusion.

Minuit, c’est Noël, je subis cette fête comme une intervention chirurgicale qui viserait à retirer des organes sans anesthésie.
Il est là, souriant et affectueux, charmant, et sa singularité humoristique me touche, j’en oublie l’intervention chirurgicale des deux jours de fête de famille que je n’ai plus.

Minuit, les autres semaines s’enchaînent, musique, alcool, fous rires, sourires, amis, sexe, tout bat à l’unisson dans cet espèce de rare tourbillon .
Simplicité, fraîcheur, apaisement.
Moi qui prône le bouclier de défense agressive depuis des lustres face à l’adversaire Homme, je commence à ouvrir la boite de pandore.

Minuit, un samedi soir, il a traversé la ville sous la pluie battante pour me retrouver.
Au fond de mon lit, le temps s’arrête, il se confie.
Son cœur est ailleurs et il va falloir que chacun prenne sa route.
Nous faisons l’amour comme deux êtres à la veille de la troisième guerre mondiale, nos corps fusionnent comme une cuillère de miel au fond d’une tasse de thé bouillante.
Il me glisse doucement les mots amorçant une émotion incontrôlable chez moi, camouflée dans la triple épaisseur de ma carapace.
La boite de Pandore n’a plus de couvercle.

Dix-sept heures, le lendemain, il faut qu’il parte.
Au revoir langoureux au gout doux amer d’une histoire où chaque seconde intense de partage a gravé un joli souvenir sans heurts.
La nuit, à une heure incertaine, je préfère coucher sur le papier l’ébullition qu’a produit l’aventure, volent les maux et les mots.

Tic-tac. A une minute près, rien ne se serait produit. A des années près, tout aurait pu se tenter.
Je suis une névrosée de la pendule, définitivement.

Little Miss Madmind.

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