jeudi 13 février 2014

2h13 de cinéma, une vie d’artiste, un homme. JohnnyBadDog.

Steve McQueen est noir ! Oui, vous ne rêvez pas, j’ai bien écrit noir ! À ne pas confondre avec son légendaire homonyme acteur hollywoodien, blond et blanc ! Steve McQueen lui est bien un noir mais aussi un artiste contemporain reconnu, lauréat du Turner Prize et cinéaste ! Peut être le plus talentueux de ces dernières années ! À priori le personnage dénote. Si, si, il dénote ! Les bien-pensants s’insurgeront en me répondant que de nos jours tout ceci est dépassé, qu’il n’est plus question de noir ou blanc, de riche ou pauvre, de « fils de » ou de personne lambda mais de talent, d’opportunités et surtout d’être dans l’air du temps... Je pense pourtant que de nos jours plus que jamais, malgré les apparences de nos sociétés, le monde est ségrégationniste, conservateur et raciste. Du coup Steve McQueen est atypique, il n’est pas le stéréotype de
l’artiste et du cinéaste auquel on a droit depuis des décennies.

En tant que « réalisateur black », il est anglais et pas américain, il n’est pas né dans un quartier défavorisé et ses films ne sont pas un cinéma engagé au sens où on l’attend de n’importe quel artiste (chanteur, cinéaste, écrivain...) noir. Auteur de 3 grands films, qui sont avant tout des œuvres artistiques, Steve McQueen s’attaque à des sujets qui pour les 2 premiers en tout cas, aurait à priori été l’oeuvre de réalisateurs bien différents ! Hunger son 1er film et chef d’oeuvre, raconte l’histoire de membres de l’IRA, et particulièrement de Bobby Sands, durant leur incarcération pendant laquelle ils entament une grève. On ne serait pas surpris de retrouver derrière la caméra un Ken Loach ou Mike Leigh, c’est pourtant un anglais dont les parents sont originaires des caraïbes qui va traiter le sujet comme personne n’aurait au final pu le faire, de manière aussi cash et brute. Car le style de SMcQ c’est ça d’abord brut et direct !

Second film et second chef d’oeuvre : Shame traite de la vie d’un homme nymphomane et torturé par sa situation, ici SMcQ nous plonge dans les méandres de la sexualité et la psychologie d’un homme du XXIe siècle. Toujours dur et violent ce 2e film révèle surtout le talent du metteur en scène à faire de son film une oeuvre d’art sociale et psychologique et ultra contemporaine. Là aussi le sujet n’est pas, pour l’avis général et l’usage établi, à priori un sujet de metteur en scène noir ! Je persiste et signe. C’est en cela à mon avis que SMcQ est génial et est un véritable artiste, le monde actuel en manque tellement... Et que son art bouscule l’ordre culturel établi ! Si son visage n’avait jamais été révélé, je parierai sans crainte que la majorité des spectateurs, si ce n’est la totalité, n’aurait jamais pensé qu’un metteur en scène noir serait derrière la caméra de ces 2 films et je pense que j’aurai fait parti de cette majorité. Non pas qu’un black ne soit pas capable de réaliser ce genre de films, n’est pas cette sensibilité ou d’intérêt pour ce genre de sujets ! Ce serait raciste de penser ça mais parce que la société a mis l’artiste noir dans une case, dans un genre et que ces mêmes artistes à mon grand regret, se résignent ou même se complaisent dans ce stéréotype. Par facilité, par peur, par habitude ? Je ne me permettrai pas de juger. Steve McQueen lui se fout d’être noir ou blanc ! Il ne réalise pas de films parce qu’il est noir mais parce qu’il est avant tout un artiste qui fait du cinéma !

Son dernier film, « Twelve years a slave » sorti il y a peu et du coup son 3ème chef d’oeuvre est probablement celui qui pourrait le plus lui être assimilé. Il s’agit d’un film sur l’esclavage tiré d’un livre qui raconte l’histoire vrai d’un esclave noir aux États-Unis. Enfin un noir qui fait un film de noir ! Et bien NON ! car SMcQ n’est pas noir mais réalisateur, car il n’est pas engagé mais un homme qui veut évoquer la barbarie de l’homme et son business. Car tout simplement car il veut faire un film. Il le dit d’ailleurs lui même, il n’est pas plus légitime qu’un autre pour parler de l’esclavage, il est simplement un réalisateur qui souhaite mettre en scène un sujet historique.

Et quelle mise en scène ! Les acteurs sont au sommet car le réalisateur est un grand, sans Steeve McQueen au commande, jamais les performances du désormais habituel Fassbender et de Chiwetel Ejiofor ne seraient celles qu’elles sont si on avait pas affaire à un grand réalisateur. L’inverse est si souvent constaté... Combien de fois un film correct devient un grand film grâce à ses acteurs, combien de mauvais films sont de bons films grâce aux talents des protagonistes ? Ici tout au long du film, on pense à SMcQ et on sent que si les acteurs sont si bons et autant imprégnés par leur personnage, au delà de leur talent, c’est grâce au réalisateur et peu de films et de metteur en scène arrivent à ça. On retrouve ça entre autre chez Kubrick ou chez Terrence Malick, d’ailleurs on retrouve certains plans, certaines images de paysages de toute beauté qui rappelle Malick sans jamais tomber dans la copie. Chez Steeve McQueen les images de nature sont là pour apaiser, une sorte de repis, d’espoir, d’ouverture dans un film grave et violent.

Il n’y jamais derrière la caméra de SMcQ l’oeil d’un noir qui décide de s’approprier l’histoire de ces ancêtres, comme une sorte de psychothérapie. Il décide simplement, au sens noble du terme, de raconter l’histoire d’un noir, esclave durant 12 années. C’est pourquoi à mon avis on a reproché au film d’être trop « Hollywoodien » et pas assez expérimental, ce à quoi Steeve McQueen nous avait habitués auparavant, mais une fois de plus il nous prouve justement qu’il n’est pas dans une case, un moule, qu’il ne fait pas les films que l’on attend, il prouve qu’il n’est pas noir mais un artiste, il prouve qu’il est un Homme avant tout.

JohnnyBadDog.

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