samedi 14 juin 2014

L'interview de Gustavo : Pierre Carles.

Blacklisté partout, sa résistance s'organise autour d'internet, de trop rares cinémas indépendants et projections "sauvages". Sa critique des grands médias n'est pas bête et facile comme souvent ailleurs, elle est réfléchie, cohérente, consistante. Dans ses films, il donne la parole à ceux qui ne l'ont jamais, et ça fait du bien ! Il nous a reçu dans ses locaux montpelliérains : entretien fleuve avec Pierre Carles.

Gustavo Mazzatella : Qu’est-ce que ça vous fait de vous faire interviewer par un « non-journaliste » ?

Pierre Carles : C’est une question que je ne me pose pas, la question c’est de savoir si les gens qui m’interrogent ou qui discutent avec moi ont des choses intéressantes à dire ou non, des choses personnelles ou si ce sont des perroquets. C’est gênant d’avoir en face des personnes qui ne pensent pas par eux-mêmes
ou qui ne font que rapporter des idées reçues ou des choses souvent inexactes.

GM : Vous avez fait une école de journalisme ?

PC : Oui, pas que, heureusement. Si je n’avais fait que ça, je ne serais pas en train de faire des documentaires critiques comme ceux que je réalise aujourd’hui. Les écoles de journalisme sont plutôt là pour formater les esprits, et pas pour fabriquer des individus critiques à l’égard du pouvoir.

GM : C’est là que vous avez rencontré Schneidermann ?

PC : Non,  Daniel Schneidermann, je l’ai rencontré plus tard, quand je travaillais déjà à la télévision, lui tenait une chronique dans le journal Le monde sensée être une critique de la télé. Puis il a fait une émission de télévision dont j’avais d’ailleurs été associé à la création, aux réunions préparatoires en tout cas. Mais j’ai vite compris que cette émission ne serait pas si critique que ça, du moins jusqu’à un certain point, volontiers contre les petits mais pas avec les puissants.

GM : C’est de là qu’est né « Enfin pris » ?

PC : Pas exactement, après il y a eu le passage d’un sociologue qui s’appelle Pierre Bourdieu sur lequel j’étais en train de préparer un film. Cette émission s’était plutôt mal passée pour Pierre Bourdieu, et ça m’a permis de démontrer qu’il est très difficile pour un penseur subversif de développer un discours critique sur la télévision même dans des émissions qui sont sensées être critiques.

GM : En regardant ce film, je me suis demandé si Pierre Bourdieu par exemple aurait pu développer cette pensée dans l’émission disons la plus respectable de la télé qui est pour moi « Ce soir (ou jamais) ».

PC : Oui, parce qu’à la fin de sa vie, il avait une telle notoriété que Frédéric Taddéi aurait été disons quasiment obligé de l’inviter et dans un dispositif plutôt favorable, pas comme celui de Schneiderman en 1996, parce qu’il ne pouvait pas en placer une. Donc oui, il serait sûrement invité mais ça serait une exception. Dans mon prochain film « Raphael Correa : les ânes ont soif », on a interpellé Frédéric Taddéi sur le fait qu’il n’avait pas invité le Président Équatorien lors de sa venue en France, lui qui est par ailleurs économiste et qui parle français, pour expliquer comment il a fait dans son pays pour surmonter une crise économique qui est du même ordre que celle de la Grèce… Il reste tous un tas de personnes, de point de vue sur la société qui restent toujours absents des grands médias, y compris d’Arte, y compris de « Ce soir (ou jamais) », rien de nouveau sous le soleil du petit écran. De la même manière que rien n'a changé du côté de la fausse impertinence, Yann Barthès a remplacé Karl Zéro mais c’est toujours aussi faussement subversif. Il y a un indice pour savoir si ces gens-là sont impertinents ou pas, c’est selon la durée de leur émission : plus on reste longtemps à la télévision, moins on dérange de monde. Donc quand quelqu’un est là depuis 10 ans, qu’il gagne beaucoup d’argent comparé au salaire moyen des français, on peut se dire qu’ils font tout ce qu’il faut pour pas se faire virer et savent très bien quelles limites ne pas franchir. Ce sont des imposteurs qui se font passer pour des rebelles qu’ils ne sont pas. Regardez « Les guignols de l’info », c’est rigolo, gentil, mais ça ne déstabilise personne, les puissants en rigolent alors bon…

GM : Selon certains sondages, les journalistes ne sont pas tellement appréciés en France…

PC : Je ne crois pas que la plupart des gens ont un regard critique, ou alors peut être qu’ils disent cela mais en même temps, ils regardent la télévision qui n’a jamais été autant visionnée qu’aujourd’hui, les audiences sont en constante progression malgré la concurrence d’internet. Elle reste un média extrêmement puissant et également très influent. J’ai fait un film qui s’appelle « Hollande, DSK, etc » avec Nina Faure, Julien Brygo et Aurore Van Opstal dans lequel on voit que les grands médias sont encore capables d’imposer un candidat à la présidence de la République. Donc les gens ont beau faire croire qu’ils sont critiques, ce n’est pas vrai, ils sont dupes puisqu’ils gobent bien des choses racontées par ces grands médias. Une minorité de la population est vraiment critique à l’égard des grands médias, malgré ce que disent les sondages. Plein de gens sont critiques et ils continuent de regarder, de dire « ah c’est pas bien », le lendemain ils sont encore là « ah c’est pas bien » mais ils sont toujours là devant l’écran de télévision ou à écouter la radio.

GM : Vous pensez que les mass médias ont autant de pouvoir que les politiques ?

PC : Je ne sais pas si les politiques ont véritablement du pouvoir, ceux qui en ont, ce sont les personnes qui détiennent le pouvoir économique, l’argent et le patrimoine. Vous remarquerez qu’ils achètent beaucoup de médias, c’est pas par hasard si certains grands médias sont propriétés de grands groupes industriels dirigés par des gens comme Lagardère, Bouygues ou Dassault. Ces trois exemples qui en plus vivent de commandes publiques de l’Etat. Les politiques sont invités dans des médias qui sont propriétés de grands patrons, donc pour pouvoir être invités et qu’on leurs déroulent le tapis rouge, il faut qu’ils soient compatibles avec la vision du monde des tenants du pouvoir économique. Alors si vous êtes néolibéral, que vous trouvez que le libre-échange est formidable et que la libre-circulation des capitaux est géniale, vous serez les bienvenus. En revanche, si vous dites qu’il faut nationaliser les entreprises, ne pas se plier aux politiques d’austérité comme celles préconisées par l’Allemagne ou l’Union Européenne, vous ne serez pas invités ou alors si vous l’êtes, on sera méprisant, condescendant avec vous.

"C’est souvent notre préoccupation : donner la parole à des hérétiques, des marginaux, des invisibles qu’il faut aider, soutenir."


GM : Vous accepteriez de retravailler à la télévision ? J’ai lu que vous aviez lancé un « appel » à Antoine De Caunes lorsqu’il a repris le Grand Journal…

PC : C’était une blague. Dans les années 90, j’avais réalisé un pilote pour l’émission « Nulle part ailleurs », c’était une rubrique qui a été considérée comme non compatible. Je proposais aux spectateurs des astuces ou recettes pour pirater une émission de tv, saboter un direct, déstabiliser l’animateur. Je m’appuyais sur des archives d'événements de ce type qui avaient déjà eu lieu, on les décortiquait et on voyait si on pouvait les reproduire en conseillant le spectateur. Chez Canal +, ils ont tout de suite compris que ça pouvait se retourner contre eux et qu’il ne valait mieux pas me laisser développer ce type de chronique. Là encore, le paradoxe, c’est que Canal + se prétendait et se prétend toujours d’ailleurs la chaîne la plus impertinente, pas comme les autres etc, mais tout ça c’est du pipo, de la communication, du commerce. Pour ce qui est d’un éventuel retour télévisuel, déjà, soyons clair, je suis totalement blacklisté ! Mais imaginons, si on me dit vous avez 90 minutes pour vous exprimer sur TF1, France 2 ou France 3 ou même Arte et à une heure correcte, avec carte blanche et un projet qui tient la route bien sûr, j’accepte volontiers. J’ai un vieux projet sur le groupe de lutte armée Action Directe, ou sur la guérilla des Farcs… Alors si on me donne la possibilité de raconter ça sur une chaîne télé, je fonce. Mais ça n’arrivera jamais, ou alors sur ces deux sujets, il faudra que je dise d’emblée que ce sont des terroristes, des méchants, hors de question de faire l’apologie de la lutte armée etc. Moi, je veux faire des films en racontant les choses simplement, je n’ai pas à dire si c’est bien ou pas bien, on vous livre cette histoire comme ça, sans prendre le spectateur par la main pour lui dire quoi penser, il doit se fabriquer sa propre opinion. Alors après, le montage est toujours « orienté », puis il y a le choix des personnes à qui on donne la parole, dans quelles conditions. Par exemple pour des journalistes dont on entend le discours tout le temps et partout, ou des personnes du MEDEF, c’est plutôt pour les ridiculiser.  Ce sont souvent des films disons « coup de poing »,  qui déroutent le spectateur, le chahutent.

GM : Oui parce qu’il entend un discours qu’il n’a jamais entendu ailleurs, jamais il n’a vu un reportage avec dedans quelqu’un qui explique clairement qu’il ne veut pas travailler comme dans « Attention danger travail ».

PC : C’est souvent notre préoccupation : donner la parole à des hérétiques, des marginaux, des invisibles qu’il faut aider, soutenir. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut être d’accord avec ce qu’ils disent, mais déjà pour pouvoir critiquer, il faut savoir que ces points de vue là existent. C’est tout le boulot sur Raphael Correa en ce moment, qu’aucun grand média ne fait. Avec nos petits moyens, on essaie tant bien que mal de faire ce travail de contre information. On n'entendra jamais dans les médias une personne qui expliquerait par exemple que les prisons dans leur état actuel fabriquent des délinquants et pas l’inverse. Un jeune qui entre à 20 ans en ressort beaucoup plus dangereux. Il ne faut pas construire plus de prisons et mettre plus de personnes en prison pour régler les problèmes sociaux, et si vous allez aujourd’hui dans les médias pour dire ça, vous passez pour un dingue. Voilà un exemple de point de vue qui est ostracisé, combattu même par les médias. Un sociologue que j’ai interviewé pour « La sociologie est un sport de combat » qui s’appelle Loïc Wacquant développe l’idée qu’aux Etats Unis, où le pourcentage de prisonniers par rapport à la population est très important, la prison sert à réguler le marché du travail, fournir une main d‘œuvre bon marché, docile, qui va fermer sa gueule. Son hypothèse est que si on met des gens en prison, c’est un peu pour punir des incivilités, la délinquance, mais surtout pour faire admettre aux pauvres, qui n’ont ni RSA ou sécurité sociale là-bas, le fait qu’ils ne doivent pas refuser les « slaves jobs » (boulots d’esclaves) sous peine d’être obligés de trafiquer pour survivre et donc de passer par la case prison. On n'a jamais le temps de développer ce genre d’idée à la télé auprès d’une grande audience.

GM : Dites nous en plus sur le sujet de votre prochain film ?

PC : Le projet que je suis en train de préparer actuellement avec Annie Gonzalez ma productrice, c’est un film sur l’omerta dont a été victime le Président Equatorien Raphael Correa qui est venu récemment en France notamment pour donner une conférence très intéressante à La Sorbonne qui n’a pas été portée à la connaissance du public en France du moins par les grands médias. Il a critiqué très fortement la politique d’austérité à l’œuvre dans le pays. Il aurait du être reçu sur TF1, France 2, Arte… pour pouvoir exposer son point de vue, quitte à ce qu’il soit contredit, mais il n’y a même pas eu ce travail d’exposition. Aucune interview, émission, reportage, pour donner la possibilité au spectateur de se faire une opinion, car ce qui se passe en Equateur est totalement atypique et intéressant, la voie empruntée par ce pays et son gouvernement devrait nous interpeller.

GM : Est-ce que ce film a un rapport avec votre dernière vidéo sur Le Monde Diplomatique ?

PC : Au départ, Le Monde Diplomatique m’avait demandé une petite vidéo promotionnelle autour de leur absence de citation dans les revues de presse, radiophonique, ou du fait qu’aucun de leur journaliste n’était convié sur le moindre plateau télé, alors que c’est le journal français qui a le plus d’éditions internationales. On comprend vite que ça s’explique par le fait qu’ils n’ont pas un discours ou une analyse compatible avec les grands médias, ils ont un point de vue trop anti-libéral.

"Mais c’est rassurant, ça veut dire que mes films restent irrécupérables pour la télévision française."


GM : Vous n’êtes pas découragé à force d’être censuré, ignoré, rejeté de bon nombre d’endroit ? Je veux dire, il ne vous reste que très peu de moyens de vous exprimer maintenant.

PC : En 1998, j’ai sorti mon premier film « Pas vu, pas pris », qui avait plutôt bien marché, et depuis on résiste tant bien que mal, de plus en plus difficilement certes, mais on continue avec de modestes moyens à réaliser des films et autres travaux de ce type, c’est-à-dire très critiques à l’égard des médias, du pouvoir, de leur vision du monde qui n’est pas la nôtre. Tout cela dans un tas de domaines : la critique du salariat, des médias, mettre en valeur des œuvres comme celles du sociologue Pierre Bourdieu. Mais je ne me plains pas, c’est réjouissant de pouvoir faire entendre un autre son de cloche que celui qui est servi continuellement partout. Après, est-ce qu’il y a une économie pour ça, est-ce qu’on peut vivre de ça, c’est une lutte au quotidien. Là, actuellement, on est plutôt en train de demander aux gens de financer nos travaux, c’est un peu nouveau. Nos films ont du mal à exister en salle de cinéma, car les cinémas indépendants se font de plus en plus rares, alors il nous reste internet, puis les dvd's… Enfin nos films circulent encore pas mal, notamment grâce au bouche à oreille, alors de ce point de vue là, on est des privilégiés. Mais on reste des indésirables du système actuel.

GM : Aucun de vos films n’a fait l’objet d’un passage télé ?

PC : Non, aucun. Récemment la chaîne parlementaire (LCP) n’a pas voulu en acheter un seul, alors qu’ils ont passé « Les nouveaux chiens de garde » mais les miens restent trop insupportables à leurs yeux. « Pas vu, pas pris » a fait 170 000 mille entrées au cinéma, il est passé à la télévision belge, au Québec, en Suisse mais il est toujours inédit à la télévision française. Mais c’est rassurant, ça veut dire que mes films restent irrécupérables pour la télévision française. Enfin si, « Choron dernière » est passé sur Planète.

GM : C’est dû à la notoriété du Professeur Choron ?

PC : Je crois pas, Bourdieu est un des sociologues les plus connus du monde et Arte n’a toujours pas diffusé « La sociologie est un sport de combat », qui est le seul portrait existant de son vivant.

GM : Ce film est diffusé par des profs de sociologie à leurs élèves, c’est rassurant non ?

PC : Forcément, Bourdieu est un des papes de la sociologie. Mais oui, ce qui me fait tenir aussi, c’est que des tas de personnes partagent mes films, les défendent, organisent des micros-diffusions, auprès de jeunes… Si je ne comptais que sur les diffuseurs ça ferait longtemps que je ne serais plus là.

GM : Vous avez travaillé pour l’émission Strip tease ? J’ai vu le reportage « le désarroi esthétique »

PC : Oui, j’en ai fait une dizaine. Celui là, c’est sur la misère d’un riche, la misère intellectuelle, c’est terrible ! Strip tease, c’était une espèce d’enclave à la télévision, avec des choses pas toujours de qualité d’ailleurs, mais j’ai eu la chance là bas de pouvoir faire certaines séquences, notamment Dominos pizza qui a figuré par la suite dans « Attention danger travail ».

GM : Un journaliste se doit d’être objectif ?

PC : Il faudrait que le public sache lorsqu’on voit un reportage, quand on entend un journaliste s’exprimer, quelle est l‘origine sociale de ce dernier, est-ce qu’il est fils d’ouvrier, de cadre, ou de banquier monégasque comme Frédéric Taddéi. Ça serait intéressant aussi de savoir combien gagne celui qui présente le journal télévisé, qui présente tout ce qu’il se passe dans cette société, quelle est la légitimité d’un Gilles Bouleau, d’un Laurent Delahousse, d’une Claire Chazal, qui gagnent plus de 20 000 euros par mois, pour parler notamment des bas-fonds de cette société. On les prendrait moins au sérieux finalement. Il faudrait aussi savoir où ils ont été formés, quand on sait que la moitié des journalistes ont fait Sciences Po à Paris, qui formate les esprits pour tous penser pareil, donc comme les puissants. On ne peut pas être objectif, on a chacun notre histoire, et ça ne serait pas inintéressant de préciser celle-ci. C’est de la manipulation que de faire croire que les journalistes, ou plutôt les éditorialistes responsables de l’information n’ont pas de partis pris, qu’ils ne défendent aucun intérêt.

GM : Il faudrait une « révolution médiatique » ?

PC : Sur le système médiatique, en Equateur, Raphael Correa l’a réglementé en demandant à ce qu’il y ait trois secteurs avec chacun 33% du spectre audiovisuel et radiophonique : commercial, communautaire /associatif et le dernier public, dépendant de l’Etat. De plus, un banquier n’a pas droit d’avoir un média, pour des questions d’intérêts mal placés.

GM : Il a été élu démocratiquement ?

PC : Oui, en 2006, puis il a été réélu.

GM : Ici, une personne comme lui pourrait accéder au pouvoir ?

PC : En France, avec de tels médias, il n’y a aucune chance pour que des personnes non issues d’un des trois grands partis, UMP, PS et FN, accèdent au pouvoir. Les chouchous des médias jusqu’à présent étaient le PS et l’UMP, mais leur attitude envers le FN a changé. Avant, ils ostracisaient Jean Marie Le Pen, mais ses idées étaient les bienvenues, par exemple son délire sécuritaire était relayé complaisamment par les médias. Donc ils étaient contre le FN mais une partie de leur programme était parfaitement compatible. Aujourd’hui c’est l’inverse : le programme économique et social du FN n’est pas compatible avec celui des grands médias, à savoir la sortie de l’euro, le protectionnisme aux frontières etc, qui est plutôt un programme de gauche finalement, mais Marine Le Pen leur plaît, il la trouve plutôt sympathique. Il suffit de revoir l’émission de Yann Barthès avec Marine Le Pen lors de la campagne de 2012, et c’est terrible, ils ont rigolé ensemble pendant toute l’émission… Voilà le type d’impertinence qui règne actuellement. Enfin, il est impensable que quelqu’un venant d’un autre bord que ces trois-là arrive au pouvoir, n’imaginez même pas voir accéder un parti décroissant au pouvoir, vu la propagande qui est faite en faveur de la croissance, c’est une véritable religion. Le seul décroissant qu’on entend dans les médias est Pierre Rahbi car il n’a pas de discours critique envers eux. S’il passe à la télé ou en radio, c’est uniquement car ils savent qu’il ne dira jamais que ce sont des enfoirés qui font une propagande incroyable pour le productivisme, pour le salariat, etc. Alors il explique sa pensée sans leur balancer qu’ils sont responsables de ce système capitaliste, qu’ils ne sont pas neutres mais partie prenante.

GM : Mais on peut trouver tout ces points de vue sur internet maintenant…

PC : Sur le papier, oui. Mais c’est faux. On est pas égaux devant internet non plus, ceux qui ont déjà des prédispositions culturelles ou autres, vont aller chercher les informations intéressantes et les trouver, mais beaucoup de gens n’imaginent même pas que ça puisse exister ce genre de discours, donc ils n’ont aucunes chances. Les grandes audiences d’internet sont les mêmes que celles de la télé ou du même acabit, c’est Rémi Gaillard, la télé-réalité, ou des séries. Google ne vous dira jamais « aller voir les travaux de Bourdieu », « lisez le monde diplomatique » ou je ne sais quoi.

GM : Pour finir, quel est votre point de vue sur ceux que l’on nomment « cyber-terroristes » comme Julian Assange, Edward Snowden ou les Anonymous ?

PC : D’abord pour moi, ce ne sont pas des terroristes, certains emploient le terme de « lanceurs d’alerte ». Ils ont des démarches vraiment intéressantes, ils luttent justement contre cette hypocrisie qui voudrait qu’internet ça soit la liberté, que le système capitaliste dans la direction qu’il prend des nouvelles technologies serait formidable, mais Snowden a démontré que c’est un système de flicage incroyable, on a jamais été aussi loin dans l’histoire de l’humanité dans le contrôle des individus. Quand on a en face de soi le gouvernement américain qui veut vous tuer ou vous capturer pour vous mettre en prison à vie, il faut une certaine dose de courage… Sa vie est bousillée aujourd’hui, il n’a pas de grand avenir, à moins de faire acte de repentance, Assange pareil… C’est plutôt des gens héroïques, même s’il y a plus héroïques qu’eux, je suis en train de faire également un film sur les Farcs colombiens, où ça va encore plus loin. Des personnes prêtes à perdre leur vie pour une meilleure société, plus juste.

Retrouvez toutes les informations sur l'actualité de Pierre Carles sur son site http://www.cp-productions.fr/

1 commentaire:

  1. Toujours aussi intéressant, Pierre Carles. Merci pour le coup de zoom sur l'Equateur, ça fait tellement de bien d'entendre qu'il existe encore des solutions autre que la soupe qu'on nous sert. Bravo Gustavo !

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